Le travail de nuit
En principe, le travail de nuit est interdit. Par travail de nuit, le législateur entend le travail exécuté entre 20 heures et 6 heures (1).
Il existe toutefois certaines dérogations à cette interdiction. Celles-ci concernent certaines activités dont la nature justifie qu’il y ait un travail de nuit tel que, par exemple, les hôtels, les restaurants, les entreprises de spectacle, les hôpitaux... (2) C’est le cas également pour certains travaux comme les travaux d'inventaires et de bilans, les travaux qui ne peuvent être interrompus en raison de leur nature, l'exécution de travaux organisés en équipes successives et les travaux pour lesquels une permanence est jugée nécessaire (3).
L'employeur qui désire instaurer un régime de travail de nuit doit suivre une procédure particulière. Si le travail de nuit ne comporte pas de prestation entre minuit et 5 heures du matin, la procédure est celle de la modification du règlement de travail prévue aux articles 11 et 12 de la loi du 8 avril 1965 instituant les règlements de travail (4).
Si le travail de nuit comporte des prestations habituelles entre minuit et 5 heures du matin, l’introduction du régime de travail comprend deux phases : une phase de consultation et ensuite une phase d’introduction proprement dite.
Les consultations ont lieu au sein du conseil d'entreprise. A défaut de conseil d'entreprise, l'employeur consultera la délégation syndicale. Et s'il n'y a ni conseil d'entreprise, ni délégation syndicale, il consultera directement les travailleurs. S’il existe une délégation syndicale au sein de l’entreprise, l'introduction du régime de travail se fera par la conclusion d'une convention collective de travail avec toutes les organisations représentées au sein de la délégation syndicale (5). En cas d’absence de délégation syndicale, c’est la procédure normale de modification du règlement de travail qui s’appliquera.
La convention collective de travail n°46 prévoit une série de mesures d'accompagnement pour les travailleurs occupés de façon régulière pendant la nuit. Un travailleur nouvellement engagé ne peut être inséré dans un régime de travail comportant des prestations de nuit que sur base volontaire, sauf si sa formation professionnelle le destine à exercer un travail qui s'effectue généralement la nuit (6).
Par ailleurs, le médecin du travail peut proposer des mesures d'écartement pour raison de santé liées au fait de travailler la nuit. Les travailleurs âgés de 50 ans et plus et qui peuvent justifier de 20 ans d'ancienneté dans un ou des régimes de travail considérés comme travail de nuit peuvent également faire l'objet d'un écartement pour des raisons médicales (7).
Quant aux travailleurs âgés de 55 ans et plus, ayant 20 ans d'ancienneté dans un régime de travail de nuit, ils ont le droit de demander à travailler dans le régime sans prestation de nuit, sans devoir justifier de motif d'ordre médical.
En outre, les travailleurs occupés la nuit ont droit à une prime de nuit dont le montant et les modalités sont fixées par convention collective de travail (8).
Enfin, les travailleurs de nuit sont considérés comme exerçant une activité à risque défini, au sens de l'article 2, 3° de l'arrêté royal du 28 mai 2003 et sont donc soumis à une surveillance de santé spécifique (9). L'évaluation de santé préalable doit déterminer si les caractéristiques individuelles du travailleur sont compatibles avec tous les risques engendrés par sa future activité (10).
Il est utile de préciser que le Code pénal social (11) prévoit, en son article 153 qu’est puni d'une sanction de niveau 2, l'employeur, son préposé ou son mandataire qui, en contravention à la loi du 16 mars 1971 sur le travail (12):
1° a fait ou laissé exécuter par un travailleur ou un jeune travailleur un travail entre 20 heures et 6 heures, sauf dans les cas où la loi l'autorise ;
2° a introduit un régime de travail comportant des prestations de nuit sans respecter la procédure prévue par la loi ;
3° a fait ou laissé exécuter par un jeune travailleur, entre 23 heures et 7 heures, des travaux qui ne peuvent être interrompus en raison de leur nature ou qui sont organisés en équipes successives.
_________________
1. Article 35 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail.
2. Article 36 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail.
3. Article 37 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail.
4. M. De Gols , « Le travail de nuit », Ors., 1997, 179.
5. Article 5 de la convention collective de travail n° 46 du 23 mars 1990 relative aux mesures d'encadrement du travail en équipes comportant des prestations de nuit ainsi que d'autres formes de travail comportant des prestations de nuit.
6. Article 3 de la convention collective de travail n° 46 du 23 mars 1990 relative aux mesures d'encadrement du travail en équipes comportant des prestations de nuit ainsi que d'autres formes de travail comportant des prestations de nuit.
7. Article 7 de la convention collective de travail n° 46 du 23 mars 1990 relative aux mesures d'encadrement du travail en équipes comportant des prestations de nuit ainsi que d'autres formes de travail comportant des prestations de nuit.
8. W. Van Eeckhoutte et V. Neuprez., Compendium Social. Droit du travail contenant des annotations fiscales, Kluwer, Waterloo, 2014-2015, p. 950.
9. Arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs.
10. J. Cardinaels, « Travail de nuit - Travail posté » in Manuel pour le conseiller en prévention, Waterloo, Kluwer, 2012, p. 6.F/193.
11. Voyez également les articles 154 et 155 du Code pénal social.
12. L’article 153, alinéa 1er, 1°, du Code pénal social, combiné avec les articles 35 et 36, 14°, de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution (Cour constitutionnelle n° 78/2012 du 14 juin 2012 (M.B., 20 août 2012 (deuxième éd.))).